Colloque international La ville verticale – Explorer et penser la dimension verticale de l’urbanisation dans le contexte de mondialisation et de changement climatique Manuel Appert pour le comité scientifique. Université Lyon 2, campus des Berges du Rhône, 16-18 Quai Claude Bernard, Lyon. 25-27 novembre Quelques dates à retenir Date limite de dépôt des résumés : 30 avril 2015 1. Contexte : renouveler les approches scientifiques sur la ville avec la dimension verticale Dans le même temps, émergent des propositions théoriques visant à formaliser le volume urbain ou renouveler les grilles d’analyse de la ville dans ses trois dimensions (Graham, 2011, Harris, 2014). Les études urbaines se sont auparavant beaucoup attachées à décrire et analyser la ville dans sa dimension horizontale. Elles ont produit un appareil théorique fondé principalement sur deux dimensions de l’espace géographique si l’on excepte les approches médiées du paysage. Avec la verticalisation accélérée des villes, la troisième dimension de l’espace des sociétés urbaines mérite d’être interrogée tant du point de vue de l’aménagement que des approches et outils théoriques dont nous disposons. Le renouvellement des réflexions et actions sur la ville passe alors selon nous par le croisement des regards disciplinaires sur le couple horizontalité/verticalité urbaines et par la capitalisation croisée des expériences des praticiens et des chercheurs. Plusieurs recherches adoptant une entrée verticale ont toutefois été menées, révélant une focale thématique, des approches disciplinaires et l’absence de perspective systémique et transversale. Dans les domaines de l’architecture et des sciences de l’ingénieur, l’attention s’est portée sur la durabilité supposée des tours, envisagées comme multifonctionnelles, autosuffisantes et végétales (Yeang, 1996 ; Ferrier, 2007) sans que les usages ni les modalités de gouvernance soient considérés. A l’inverse, la prise en compte du volume urbain dans l’urbanisme et les enjeux paysagers des transformations matérielles des villes s’est manifestée sans considérations techniques (McNeill, 2002 ; Tavernor, 2007 ; Appert, 2008), se focalisant principalement sur les stratégies socio-économiques des acteurs, dans la perspective d’une demande sociale de paysage contestée (Luginbuhl, 2001). La question des usages et notamment de l’accès aux strates supérieures de la ville verticale s’est principalement construite sur la grille du « droit à la ville » de Lefebvre, en interrogeant de façon critique la propriété, l’accessibilité et le contrôle des espaces en hauteur (Ayoub, 2009 ; Graham, 2011 ; Graham et Hewitt, 2013). Cette dernière approche conduit progressivement les chercheurs à interroger les questions de concentration, ségrégation et fragmentation sociales dans leur dimension verticale (Cartier, 1999 ; Appert, 2012 ; Harris, 2014 ; Charney et Rosen, 2014). La valeur attribuée à la hauteur est alors déterminante pour les promoteurs mais aussi les populations et collectivités, tant d’un point de vue monétaire que symbolique (Han et al., 2005 ; Moon et al ., 2010). De la même façon, coûts de construction et de financement, faisabilité technique et caractéristiques des sols peuvent influer sur la valeur des constructions, l’accessibilité à différentes échelles (du local au mondial) et indirectement influencer la distribution verticale et horizontale des populations et des activités. A l’exception de manuels techniques sur les infrastructures de transport vertical publiques ou privées (Strakosch et Caporale, 2010), peu de publications envisagent les liens entre circulations verticales - sur et sub-surface - et durabilité sociale et environnementale de l’urbanisation contemporaine, même si certains auteurs ont déjà traité d’utopies et de visions (Gottmann, 1966; Ford, 1994; Pow, 2014). Seuls les flux de transport aérien et les contraintes et risques qu’ils font peser sur les sociétés urbaines ont été appréhendés de façon pluridisciplinaire (Cwerner et al., 2009). Dans la perspective de la ville compacte et dense, l’articulation entre réseaux de transport (terrestre et aérien) et urbanisation est à concevoir aussi à la verticale. Longtemps laissé à sa dimension poétique, matérielle ou hydrique, l’espace souterrain fait désormais l’objet de recherches intégrant davantage ses aspects techniques et politiques (Barles et Guillerme, 1995). Le paradigme de la ville compacte est désormais réinterrogé ; l’usage intensif du sous-sol (infrastructure, pollution, altération des réseaux hydriques) - associé à une urbanisation visant les hautes densités - confirme la nécessité de considérer l’espace souterrain non plus seulement comme réserve de capacité mais comme espace de flux quotidiens (Hoeven Van der, Nes Van, 2014) ou comme un espace-ressource disputé à réglementer (Barles et Jardel, 2005 ; Projet DEEP CITY, 2010 ; Parriaux et al., 2010 ; Projet Ville 10D, Elden, 2013). Dans les airs, c’est principalement la question climatique qui a mobilisé les chercheurs. L’identification et l’évaluation de micro-climats liés à l’anthropisation (Dubreuil et al., 2008) ont été menées, ainsi que l’étude de la circulation des émissions de polluants en fonction de l’élévation du bâti et des configurations de la canopée urbaine (Maignant, 2007). Dans la perspective d’un développement durable des territoires urbains, il s’agit ici d’appréhender de façon systémique (réflexion, production, fabrication et usages de la ville verticale en trois dimensions), pluridisciplinaire et à travers la contribution des expériences des professionnels de la ville, la distribution verticale des populations et des activités, les mobilités qui les lient et les processus biophysiques - modifiés par l’anthropisation - qui s’y déploient et qui constituent leur environnement et cadre de vie. 2. Thématiques envisagées A. Urbanisation verticale et environnement : risques et pressions sur les ressources et opportunités B. Représentations, mesures et imaginaires de la verticalité urbaine (dont table ronde et panel sessions) Il s’agit ici d’interroger les représentations (au sens large) de la ville verticale, aussi bien en surface qu’en souterrain. Les réflexions peuvent porter sur les supports de représentations, leurs perceptions ou sur les mesures et outils techniques développés. La première piste porte sur la production et la réception des représentations et des imaginaires du volume urbain à travers les arts, la littérature mais aussi les innovations techniques qui donnent à voir la ville par son volume ou les airs (transport aérien). Elle éclaire les contextes de production, les modalités de représentation de la ville verticale et leur réception par les individus et des groupes dans le temps et l’espace. La deuxième perspective interroge la question des outils de représentation et de leur utilisation par les différentes catégories d'acteurs intervenant sur la ville : de quelle façon ces outils participent-‐ils des interactions entre les acteurs ? L’usage croissant des vues aériennes obliques, maquettes 3D numériques, coupes... transforme-t-il l'imagibilité de la ville et ce faisant sa projection? Comment ces perspectives 3D s’articulent-elles avec les vues en 2D ? C. Habiter la ville verticale : entre discours et pratiques de sociabilité L’habiter dans la ville verticale est envisagé selon deux angles d’approche : les pratiques résidentes effectives et les discours et stratégies des acteurs de l’offre de logements et de bureaux dans les tours (politiques publiques, promotion immobilière et architecture). Rapports sociaux, rapports familiaux, pratiques des espaces domestiques et collectifs dans l’habitat vertical ainsi que les lieux de travail, sont des entrées permettant d’explorer à la fois les perceptions et les manières d’habiter (mobilités, sociabilités au lieu de résidence et de travail et usages des espaces domestiques et publics). Des contributions sur l’habiter dans les tours du parc privé et public (grands ensembles) sont attendues, aujourd’hui et hier mais aussi les questions liées au rapport à la hauteur en termes physiologiques et psychologiques. Le deuxième angle d’approche permet de discuter le rôle des discours experts et politiques, des contraintes règlementaires et économiques associées à l’habitat vertical pour comprendre leurs incidences sur, d’une part, les stratégies des acteurs immobiliers et d’autre part, les expériences individuelles. D. Vivre ensemble dans la ville verticale : solidarités, entre-soi, contrôle La verticalisation des villes révèle de nouvelles formes de privatisation de l’espace public, non plus seulement au sol mais en hauteur. L’accès à ces lieux est restreint et ravive la question du droit à la ville. La verticalisation traduit ou permet aussi des stratégies d’évitement de certaines populations, de l’entre soi, une sécurisation, et parfois aussi un contrôle de l’espace urbain. Comment la fragmentation socio-spatiale imaginée dans son horizontalité se double-t-elle de discontinuités verticales ? Des rues dans les airs des Smithson aux condominiums fermés, quelles réflexions peut-on développer sur la possibilité d’un vivre ensemble dans des formes urbaines verticalisées : quelles libertés ? Quelles solidarités ? Quels collectifs ? E. Fonctions et marchés urbains à la verticale Traditionnellement étudiées dans leur dimension horizontale, les fonctions urbaines se déclinent aussi à la verticale. Selon quelles modalités ? Les marchés immobiliers urbains principalement considérés comme plans voient leurs valeurs varier en fonction par la vue, les stratégies de distinction ou de sécurisation qui incitent à la verticalisation des biens immobiliers. Comment les tours participent-elles ou révèlent-elles les choix de localisation urbaine ? Comment modifient-elles les rentes ? Et de quelle façon contribuent-elles aux interactions économiques à plusieurs échelles ? Considérées de plus en plus comme des actifs financiers, les tours participent aussi de stratégies d’optimisation fiscale et financière d’opérateurs financiers. Leurs localisations, formes et fonctions s’inscrivent aussi dans les circuits des marchés financiers. Ce thème couvre deux volets : l’analyse des mobilités et réseaux verticaux et celle des politiques d’aménagement, qui, au nom de la densification, réhabilitent les tours. Les mobilités quotidiennes ne sont plus seulement horizontales, mais plus que jamais verticales grâce à des réseaux techniques permettant d’utiliser les différentes strates du volume urbain (parkings, métro, travelators, ascenseurs, télécabine…). Tout en fournissant l’accès aux lieux en 3D, ces infrastructures et services peuvent contraindre le développement urbain vertical (couloirs aériens…), dessiner de nouveaux espaces de flux et participer à redéfinir les mobilités et plus largement les échanges entre les individus. Dans un second temps, les solutions développées dans une perspective de compacité urbaine pour minimiser les déplacements horizontaux doivent être réinterrogées dans leur traduction verticale. Les collectivités font souvent le choix de la densification sélective en fonction de l’offre de transport, et à ce titre, acceptent la construction de tours. La notion d’accessibilité, mobilisée pour traduire la rugosité de l’espace pourrait alors s’enrichir d’une perspective verticale. Les rugosités, et à l’inverse, les connexions, sont à penser en articulant les espaces et modes de transport dans les trois dimensions de la ville verticale. G. La verticalisation contestée : paysage, mémoire et médiations (dont table ronde et panel sessions) L’entrée par le paysage, au sens de médiation entre la matérialité de la ville et des individus qui la pratiquent, permet d’envisager la multiplicité des rôles joués par les formes urbaines, ressources identitaires, mémorielles, mais aussi économiques. Le retour des tours dans les villes européennes suscite de nombreux débats, mobilisant différents acteurs aux représentations et intérêts parfois divergents. H. Penser la ville en 3D, de façon pluridisciplinaire et avec les praticiens Dans cet axe, il s’agit d’abord d’interroger l’appareil théorique mobilisé ou mobilisable pour comprendre la ville verticale. La ville a longtemps été pensée comme milieu, espace géométrique et enchevêtrement de territoires dans une perspective horizontale. Nous souhaitons discuter ici de l’incidence de la verticalisation de l’urbanisation (le vertical, mais aussi l’émergence de nouvelles strates horizontales) sur les modèles des SHS qui formalisent et tentent d’expliquer les structures et dynamiques urbaines. Il s’agit aussi de penser l’articulation horizontal/vertical et de réfléchir aux outils de planification de la ville verticale, en identifiant les apories de l’urbanisme, ses adaptations et les paradigmes qui sous-tendent l’action publique dans la ville verticale. |